Livre de la Sagesse

01 Cet autre, sur le point d’appareiller pour traverser les flots sauvages, invoque un morceau de bois, plus pourri que le bateau qui l’emporte !

02 Or ce bateau a été conçu par désir de profit, et la sagesse de l’artisan l’a construit.

03 Mais c’est ta providence, ô Père, qui tient la barre, car tu as ouvert un chemin dans la mer, un sentier sûr au milieu des flots.

04 Tu as montré par là que tu peux sauver de tout danger, même si l’on embarque sans être du métier.

05 Tu veux que les œuvres de ta Sagesse ne restent pas stériles ; c’est pourquoi des hommes osent confier leur vie à un peu de bois, et, traversant la mer houleuse sur un radeau, ils restent sains et saufs.

06 Ainsi, aux origines, quand périssaient des géants orgueilleux, l’espoir du monde, se réfugiant sur un radeau, préserva une semence pour de nouvelles générations, car c’est ta main qui tenait la barre.

07 Béni est le bois par lequel advient la justice !

08 Mais l’idole, elle, est maudite, avec celui qui l’a fabriquée, celui-ci pour en avoir été l’artisan, et cet objet corruptible, pour avoir reçu le nom de dieu.

09 Car Dieu déteste autant l’impie que son impiété,

10 et l’œuvre sera châtiée avec son auteur.

11 C’est pourquoi, contre les idoles des nations, il y aura aussi une intervention divine, car elles sont devenues, parmi les créatures de Dieu, une abomination, un scandale pour les âmes des hommes, un piège sous les pas des insensés.

12 L’idée de faire des idoles, c’est le commencement de la prostitution ; leur invention a corrompu la vie.

13 Il n’y avait pas d’idoles au commencement, et il n’y en aura pas toujours.

14 C’est par la vaine imagination des hommes qu’elles sont entrées dans le monde ; aussi une fin rapide leur est-elle réservée.

15 Un père, affligé par un deuil prématuré, a fait le portrait de son enfant trop vite enlevé ; cet être humain qui n’est plus qu’un cadavre, il l’honore maintenant comme un dieu, et il a transmis aux siens les rites d’un culte secret ;

16 puis, avec le temps, cet usage impie s’est fortifié : il a pris force de loi. De même, sur l’ordre des souverains, on rendait un culte à leurs statues :

17 les gens qui habitaient trop loin pour venir les voir en personne et les honorer firent réaliser chez eux leur effigie : on fabriqua une image bien visible du roi vénéré, pour faire une cour empressée à l’absent comme s’il était présent.

18 Le culte s’étendit même à ceux qui ne connaissaient pas le souverain, grâce à l’ambition de l’artiste ;

19 celui-ci, désireux sans doute de plaire à son maître, mit tout son art à le représenter plus beau que nature.

20 Alors la foule fut séduite par le charme de l’œuvre, et celui qui était jusque-là honoré comme un homme fut bientôt objet d’adoration.

21 Ce fut un piège mortel, lorsque des hommes, devenus esclaves du malheur ou du pouvoir, attribuèrent à la pierre et au bois le Nom incommunicable.

22 De plus, il ne leur suffit pas d’errer au sujet de la connaissance de Dieu, mais, alors que leur vie est pleine de conflits dus à l’ignorance, ils donnent le nom de « paix » à ces fléaux si grands :

23 meurtres rituels d’enfants, célébrations de mystères occultes, délires et cortèges au cérémonial extravagant ;

24 ainsi, ils ne respectent plus la pureté ni de la vie ni du mariage, mais ils conspirent pour s’entretuer et s’infligent les tourments de l’adultère.

25 Tout est mêlé : sang et meurtre, vol et fraude, corruption, déloyauté, sédition, parjure,

26 confusion des valeurs, oubli des bienfaits, souillure morale, perversion sexuelle, désordre dans le mariage, adultère et débauche.

27 Oui, le culte des idoles sans nom est le commencement, la cause et le comble de tout mal.

28 Ceux qui participent à ces réjouissances délirent ou profèrent de faux oracles, vivent dans l’injustice ou se parjurent aussitôt :

29 quand on se fie à des idoles inanimées, on peut jurer à tort et à travers, sans redouter aucun préjudice.

30 Mais c’est à double titre que la justice les poursuivra : parce qu’ils se sont mépris sur Dieu, en s’attachant aux idoles, et que, dans leur perfidie, ils ont fait de faux serments par mépris de la sainteté.

31 Ce qui sanctionne la faute des coupables, ce n’est pas la puissance de ce que l’on prend à témoin mais la justice réservée aux pécheurs.