Deuxième Livre des Martyrs d'Israël

01 Sept frères avaient été arrêtés avec leur mère. À coups de fouet et de nerf de bœuf, le roi Antiocos voulut les contraindre à manger du porc, viande interdite.

02 L’un d’eux se fit leur porte-parole et déclara : « Que cherches-tu à savoir de nous ? Nous sommes prêts à mourir plutôt que de transgresser les lois de nos pères. »

03 Fou de rage, le roi ordonna que l’on chauffe des poêles et des chaudrons.

04 Dès qu’ils furent brûlants, il ordonna de couper la langue de celui qui s’était fait leur porte-parole, de lui arracher la peau de la tête et de lui couper les mains et les pieds, sous les yeux de ses autres frères et de sa mère.

05 Lorsqu’il fut complètement mutilé, le roi ordonna de l’amener près du brasier et de le faire passer à la poêle, alors qu’il respirait encore. Tandis que des vapeurs abondantes se répandaient autour de la poêle, les autres s’exhortaient mutuellement, avec leur mère, à mourir avec noblesse. Ils disaient :

06 « Le Seigneur Dieu nous voit et, en vérité, nous apporte le réconfort, comme Moïse l’a clairement affirmé dans son cantique où il témoigne, à la face de tous, que Dieu réconfortera ses serviteurs. »

07 Lorsque le premier fut mort de cette manière, on amena le deuxième pour le torturer. On lui arracha la peau de la tête avec les cheveux, puis on lui demanda : « Mangeras-tu, plutôt que d’être châtié dans ton corps, membre par membre ? »

08 Mais il répondit, dans la langue de ses pères : « Non ! » C’est pourquoi lui aussi subit aussitôt les mêmes sévices que le premier.

09 Au moment de rendre le dernier soupir, il dit : « Tu es un scélérat, toi qui nous arraches à cette vie présente, mais puisque nous mourons par fidélité à ses lois, le Roi du monde nous ressuscitera pour une vie éternelle. »

10 Après cela, le troisième fut mis à la torture. Il tendit la langue aussitôt qu’on le lui ordonna et il présenta les mains avec intrépidité,

11 en déclarant avec noblesse : « C’est du Ciel que je tiens ces membres, mais à cause de ses lois je les méprise, et c’est par lui que j’espère les retrouver. »

12 Le roi et sa suite furent frappés de la grandeur d’âme de ce jeune homme qui comptait pour rien les souffrances.

13 Lorsque celui-ci fut mort, le quatrième frère fut soumis aux mêmes sévices.

14 Sur le point d’expirer, il parla ainsi : « Mieux vaut mourir par la main des hommes, quand on attend la résurrection promise par Dieu, tandis que toi, tu ne connaîtras pas la résurrection pour la vie. »

15 On amena aussitôt le cinquième pour le tourmenter.

16 Fixant les yeux sur le roi, il dit : « Tout mortel que tu es, tu as autorité sur les hommes et tu fais ce que tu veux. Ne t’imagine pas pour autant que notre race soit abandonnée de Dieu.

17 Mais toi, attends : tu verras combien sa puissance est grande et de quelle manière il sévira contre toi-même et ta descendance ! »

18 Après celui-là, on amena le sixième, et lorsqu’il fut sur le point de mourir, il dit : « Ne te fais pas de vaine illusion : c’est à cause de nous-mêmes que nous endurons ces souffrances, pour avoir péché contre notre propre Dieu. De là viennent ces malheurs surprenants.

19 Mais toi, ne va pas croire que tu resteras impuni, pour avoir entrepris de faire la guerre à Dieu. »

20 Leur mère fut particulièrement admirable et digne d’une illustre mémoire : voyant mourir ses sept fils dans l’espace d’un seul jour, elle le supporta vaillamment parce qu’elle avait mis son espérance dans le Seigneur.

21 Elle exhortait chacun d’eux dans la langue de ses pères ; cette femme héroïque leur parlait avec un courage viril :

22 « Je suis incapable de dire comment vous vous êtes formés dans mes entrailles. Ce n’est pas moi qui vous ai donné l’esprit et la vie, qui ai organisé les éléments dont chacun de vous est composé.

23 C’est le Créateur du monde qui façonne l’enfant à l’origine, qui préside à l’origine de toute chose. Et c’est lui qui, dans sa miséricorde, vous rendra l’esprit et la vie, parce que, pour l’amour de ses lois, vous méprisez maintenant votre propre existence. »

24 Antiocos s’imagina qu’on le méprisait, et soupçonna que ce discours contenait des insultes. Il se mit à exhorter le plus jeune, le dernier survivant. Bien plus, il lui promettait avec serment de le rendre à la fois riche et très heureux s’il abandonnait les usages de ses pères : il en ferait son ami et lui confierait des fonctions publiques.

25 Comme le jeune homme n’écoutait pas, le roi appela la mère, et il l’exhortait à conseiller l’adolescent pour le sauver.

26 Au bout de ces longues exhortations, elle consentit à persuader son fils.

27 Elle se pencha vers lui, et lui parla dans la langue de ses pères, trompant ainsi le cruel tyran : « Mon fils, aie pitié de moi : je t’ai porté neuf mois dans mon sein, je t’ai allaité pendant trois ans, je t’ai nourri et élevé jusqu’à l’âge où tu es parvenu, j’ai pris soin de toi.

28 Je t’en conjure, mon enfant, regarde le ciel et la terre avec tout ce qu’ils contiennent : sache que Dieu a fait tout cela de rien, et que la race des hommes est née de la même manière.

29 Ne crains pas ce bourreau, montre-toi digne de tes frères et accepte la mort, afin que je te retrouve avec eux au jour de la miséricorde. »

30 Lorsqu’elle eut fini de parler, le jeune homme déclara : « Qu’attendez-vous ? Je n’obéis pas à l’ordre du roi, mais j’écoute l’ordre de la Loi donnée à nos pères par Moïse.

31 Et toi qui as inventé toutes sortes de mauvais traitements contre les Hébreux, tu n’échapperas pas à la main de Dieu.

32 Car nous, c’est à cause de nos propres péchés que nous souffrons.

33 En effet, notre Seigneur qui est vivant s’est irrité un moment contre nous, en vue de nous réprimander et de nous éduquer, mais de nouveau il se réconciliera avec ses serviteurs.

34 Et toi, impie, le plus infâme de tous les hommes, ne t’enfle pas d’orgueil sans raison en te berçant d’espoirs incertains, alors que tu portes la main sur les serviteurs du Ciel,

35 car tu n’as pas encore échappé au jugement du Dieu tout-puissant qui voit tout !

36 Nos frères, maintenant, ont supporté une épreuve passagère, pour une vie intarissable : ils sont tombés à cause de l’alliance de Dieu. Mais toi, par le jugement de Dieu, tu recevras le juste châtiment de ton arrogance.

37 Quant à moi, comme mes frères, je me livre corps et âme pour les lois de nos pères, en suppliant Dieu de se montrer bientôt favorable à la nation et de t’amener, par des épreuves et des fléaux, à confesser que lui seul est Dieu.

38 Je prie aussi pour que la colère du Tout-Puissant, justement déchaînée sur l’ensemble de notre race, prenne fin avec ma mort et celle de mes frères. »

39 Fou de rage, exaspéré par la moquerie, le roi s’acharna contre ce dernier plus cruellement encore que contre les autres.

40 Le jeune homme mourut donc, pur de toute souillure, mettant toute sa confiance dans le Seigneur.

41 Enfin, après tous ses fils, la mère mourut la dernière.

42 Nous en resterons là pour le récit des repas sacrilèges et des tourments sans mesure.