Deuxième Livre des Martyrs d'Israël

01 Nicanor apprit que Judas et les siens se trouvaient dans les parages de Samarie. Il fit le projet de les attaquer en toute sécurité le jour du repos hebdomadaire.

02 Les Juifs qui le suivaient par contrainte lui dirent : « Ne va pas les faire périr d’une manière aussi cruelle et barbare ! Mais rends honneur au jour qui a été choisi de préférence et sanctifié par Celui qui voit tout. »

03 Nicanor, ce triple scélérat, leur demanda s’il y avait au ciel un souverain qui prescrivait d’observer le jour du sabbat.

04 On lui déclara : « C’est le Seigneur vivant lui-même, souverain dans le ciel, qui a ordonné de respecter le septième jour. »

05 Nicanor reprit : « Et moi, je suis souverain sur terre : je commande qu’on prenne les armes pour accomplir le service du roi. » Toutefois, il ne fut pas maître d’accomplir son funeste projet.

06 Haussant la tête avec une extrême prétention, Nicanor était décidé à dresser un monument public de la victoire qu’il remporterait sur les hommes de Judas.

07 Mais, de son côté, Judas Maccabée gardait une confiance inébranlable et le plein espoir d’obtenir la protection du Seigneur.

08 Il exhortait ses compagnons à ne pas redouter l’approche des païens, mais à garder présents à l’esprit les secours déjà reçus du Ciel et à compter maintenant aussi sur la victoire qui leur viendrait du Tout-Puissant.

09 En les encourageant par des mots de la Loi et des Prophètes, en leur rappelant aussi les combats qu’ils avaient déjà soutenus, il les remplit d’une détermination nouvelle.

10 Ayant ainsi réveillé leur ardeur, il acheva de les stimuler en leur montrant combien les païens avaient manqué à leur parole et méprisé leurs serments.

11 Il arma ainsi chacun d’eux, non pas de la sécurité que donnent les boucliers et les lances, mais du réconfort qu’on trouve dans les paroles de bon conseil. Il leur raconta en outre un songe digne de foi, une sorte de vision qui les réjouit tous.

12 Voici ce qu’il avait vu : Onias, jadis grand prêtre, cet homme noble et bon, modeste dans son abord et doux de caractère, distingué dans son langage et adonné dès l’enfance à tout ce qui concerne la vertu, étendait les mains et priait pour toute la communauté des Juifs.

13 Ensuite apparut de la même manière un homme remarquable par ses cheveux blancs et par sa dignité, dont le maintien était admirable et tout empreint de majesté.

14 Prenant la parole, Onias disait : « Cet homme est l’ami de ses frères, celui qui prie beaucoup pour le peuple et pour la Ville sainte, Jérémie, le prophète de Dieu. »

15 De la main droite, Jérémie tendit à Judas une épée d’or. En la lui donnant, il s’exprima ainsi :

16 « Reçois cette épée sainte que Dieu te donne. Par elle, tu briseras tes adversaires. »

17 Ce très beau discours de Judas eut le pouvoir d’inciter à la vertu et de donner aux jeunes une âme virile. Rassurés, les Juifs résolurent de ne pas se retrancher dans un camp, mais de prendre héroïquement l’offensive et de décider de l’issue de la bataille en se jetant dans la mêlée avec toute leur bravoure. Car c’étaient la ville, les lieux saints et le Temple qui étaient menacés.

18 En effet, la crainte qu’ils avaient pour leurs femmes et leurs enfants, ainsi que pour leurs frères et leurs proches, comptait moins que la plus grande et la première des craintes, celle qu’ils éprouvaient pour le Temple consacré.

19 L’angoisse de ceux qui avaient été laissés en ville n’était pas moins grande : ils tremblaient pour l’attaque menée en rase campagne.

20 Déjà, tous attendaient l’issue prochaine du combat, déjà les adversaires opéraient leur concentration, rangeaient leur armée en ordre de bataille, disposaient les éléphants en un point favorable et la cavalerie sur les ailes de l’armée.

21 Judas Maccabée, observant les troupes en présence, la variété de leur armement et l’aspect féroce des éléphants, tendit les mains vers le ciel et invoqua le Seigneur, auteur de prodiges. Il savait bien, en effet, que la victoire ne résulte pas de la force des armes, mais que Dieu l’accorde, comme il le juge bon, à ceux qui en sont dignes.

22 Il prononça l’invocation suivante : « Au temps d’Ézékias, roi de Judée, toi, Maître, tu as envoyé ton ange, et il a exterminé jusqu’à cent quatre-vingt-cinq mille hommes de l’armée de Sennakérib.

23 Maintenant encore, ô Souverain des cieux, envoie un bon ange en avant de nous, pour semer terreur et effroi.

24 Que, par la force de ton bras, soient frappés de crainte ceux qui, en blasphémant, marchent contre ton peuple saint ! » Et il acheva sur ces mots.

25 Alors que les hommes de Nicanor s’avançaient au son des trompettes et des chants de guerre,

26 c’est avec des invocations et des prières que les hommes de Judas affrontèrent les ennemis.

27 Combattant de leurs mains, priant Dieu de tout leur cœur, ils abattirent au moins trente-cinq mille hommes et se réjouirent grandement de cette manifestation de Dieu.

28 L’action terminée, comme ils s’en retournaient dans la joie, ils reconnurent Nicanor, tombé avec toutes ses armes.

29 Au milieu des cris et du tumulte, ils se mirent à bénir le Seigneur souverain dans la langue de leurs pères.

30 Alors Judas, lui qui de tout son être, corps et âme, avait combattu au premier rang pour ses concitoyens, lui qui avait conservé pour les gens de sa nation l’affection de sa jeunesse, ordonna de trancher la tête de Nicanor et son bras jusqu’à l’épaule, et de les porter à Jérusalem.

31 Arrivé là, il convoqua les gens de sa nation, plaça les prêtres devant l’autel et envoya chercher les occupants de la citadelle.

32 Il exposa la tête de l’infâme Nicanor et la main que ce blasphémateur avait tendue avec insolence contre la sainte Maison du Tout-Puissant.

33 Puis, il coupa la langue de l’impie Nicanor avec l’ordre de la donner aux oiseaux, morceau par morceau, et de suspendre en face du Temple son bras, pour prix de sa folie.

34 Alors, tournés vers le ciel, tous bénirent le Seigneur qui s’était manifesté. Ils disaient : « Béni soit celui qui a préservé de la profanation son Lieu saint ! »

35 Judas accrocha la tête de Nicanor à l’extérieur de la citadelle, comme un signe manifeste et visible pour tous de l’aide du Seigneur.

36 Tous décrétèrent, par un vote public, de ne laisser nullement ce jour passer inaperçu, mais de le solenniser le treizième jour du douzième mois – le mois nommé Adar en araméen –, la veille du jour dit « de Mardochée ».

37 Ainsi se déroulèrent donc les événements concernant Nicanor. Puisque la ville est demeurée depuis ce temps en possession des Hébreux, je finirai également en ce point mon récit.

38 L’ouvrage est-il bien composé et réussi ? c’est ce que je voulais. Est-il au contraire faible et médiocre ? c’est tout ce que j’ai pu obtenir.

39 De fait, il est nuisible de ne boire que du vin, tout comme il est nuisible de ne boire que de l’eau, tandis que le vin mêlé à l’eau est agréable et procure une délicieuse jouissance. De la même façon, c’est la construction du récit qui charme les oreilles de ceux qui lisent l’ouvrage. En voici donc la fin.