Deuxième Livre des Martyrs d'Israël

01 Simon, dont il a déjà été question, était devenu celui qui dénonçait les richesses de sa patrie. Il continuait à calomnier Onias, en prétendant que c’était lui qui avait assailli Héliodore et provoqué ce malheur.

02 Il osait présenter le bienfaiteur de la ville, le protecteur des gens de sa nation, l’ardent défenseur des lois, comme un conspirateur contre les affaires publiques.

03 Cette haine alla si loin que même des meurtres furent commis par l’un des partisans de Simon.

04 Considérant l’importance de cette rivalité, et constatant qu’Apollonios, fils de Ménesthée, gouverneur militaire de Cœlé-Syrie et de Phénicie, ne faisait qu’accroître la malveillance de Simon,

05 Onias se rendit chez le roi, non comme accusateur de ses concitoyens, mais pour veiller à l’intérêt général de tout le peuple et de chacun en particulier.

06 Il voyait bien, en effet, que sans une intervention royale, il était impossible de rétablir la paix publique, et que Simon ne mettrait pas un terme à sa folie.

07 Après la mort de Séleucos et l’accès au trône d’Antiocos surnommé Épiphane, Jason, le frère d’Onias, usurpa la charge de grand prêtre.

08 Au cours d’une entrevue avec le roi, il lui promit trois cent soixante talents d’argent de l’impôt, ainsi que quatre-vingts talents prélevés sur quelque autre revenu.

09 Il s’engageait en outre à payer cent cinquante autres talents, si on lui accordait le pouvoir de fonder un gymnase et un lieu d’éducation pour les jeunes gens, et de recenser les partisans de l’hellénisme à Jérusalem.

10 Le roi consentit, et Jason s’empara du pouvoir. Aussitôt, il entreprit de faire adopter le mode de vie des Grecs par ses frères de race.

11 Il supprima les mesures de bienveillance prises par les rois en faveur des Juifs. Ces mesures avaient été obtenues par l’entremise de Jean, le père de cet Eupolème qui conduisit l’ambassade pour obtenir amitié et alliance avec les Romains. Jason détruisit les institutions légitimes et inaugura des usages contraires à la Loi.

12 Il se fit en effet un plaisir de fonder un gymnase au pied même de l’acropole et de mener l’élite des jeunes gens aux exercices du gymnase.

13 En raison de l’extrême perversité de ce Jason, impie et pas grand prêtre du tout, l’hellénisme atteignit une telle vigueur, et la mode étrangère un tel degré,

14 que les prêtres ne montraient plus aucun empressement pour le service liturgique de l’autel. Au contraire, méprisant le Temple et négligeant les sacrifices, ils se hâtaient, dès le signal du gong, de prendre part dans la palestre à l’organisation des exercices prohibés par la Loi.

15 Ce faisant, ils comptaient pour rien les valeurs honorées par leurs pères, mais portaient la plus haute estime aux gloires de la culture hellénique.

16 Pour ces raisons, ils se trouvèrent par la suite dans une situation difficile, et ceux-là mêmes dont ils enviaient les façons de vivre et qu’ils voulaient imiter en tout, devinrent pour eux des ennemis et des bourreaux.

17 Car on ne viole pas à la légère les lois divines, comme le démontrera la période suivante.

18 Comme on célébrait tous les quatre ans à Tyr des jeux en présence du roi,

19 l’infâme Jason envoya comme délégués de Jérusalem un groupe de partisans de l’hellénisme, apportant avec eux trois cents pièces d’argent, pour faire un sacrifice à Héraclès. Mais ceux-là mêmes qui les apportaient jugèrent qu’il ne convenait pas de les utiliser pour le sacrifice et décidèrent de les réserver pour une autre dépense.

20 C’est ainsi que l’argent, destiné au sacrifice d’Héraclès par celui qui l’avait envoyé, fut affecté à la construction de navires, après l’intervention de ceux qui l’apportaient.

21 Comme Apollonios, fils de Ménesthée, avait été envoyé en Égypte pour l’intronisation du roi Philométor, Antiocos apprit que ce dernier était hostile à sa politique. Il se préoccupa dès lors d’assurer sa propre sécurité. C’est ce qui le conduisit à Joppé, d’où il se rendit à Jérusalem.

22 Magnifiquement reçu par Jason et par la ville, il y fut introduit à la lumière des flambeaux et au milieu des acclamations. Après quoi, il partit installer en Phénicie le camp de son armée.

23 Jason était grand prêtre depuis trois ans lorsqu’il envoya Ménélas, le frère du Simon dont il a été question plus haut, porter l’argent au roi et mener à terme des affaires urgentes restées en suspens.

24 Une fois admis en présence du roi, Ménélas l’aborda avec les manières d’un personnage important et se fit attribuer à lui-même la fonction de grand prêtre, en offrant trois cents talents de plus que n’avait offerts Jason.

25 Puis il revint, muni des lettres royales d’investiture. Il n’était en rien digne de la fonction de grand prêtre ; au contraire, il n’avait en lui que les rages d’un tyran cruel et les fureurs d’une bête sauvage.

26 Ainsi Jason, qui avait supplanté son propre frère, fut supplanté à son tour par un autre, et contraint de gagner en fugitif le pays des Ammonites.

27 Quant à Ménélas, il détenait certes le pouvoir, mais ne s’acquittait en rien des sommes d’argent qu’il avait promises au roi ;

28 et cela, malgré les réclamations de Sostrate, gouverneur de l’acropole, qui était chargé de percevoir les impôts. Pour cette raison, ils furent tous deux convoqués par le roi.

29 Ménélas laissa pour le remplacer comme grand prêtre son propre frère Lysimaque, tandis que Sostrate laissait Kratès, le chef des mercenaires chypriotes.

30 Sur ces entrefaites, il arriva que les habitants de Tarse et de Mallos provoquèrent des émeutes, parce que leurs villes avaient été données en présent à Antiochis, la concubine du roi.

31 En toute hâte, le roi alla donc régler cette affaire, laissant pour le remplacer Andronicos, l’un des grands dignitaires.

32 Convaincu de tenir une occasion favorable, Ménélas déroba quelques objets d’or du Temple, et en fit cadeau à Andronicos ; il parvint également à en vendre d’autres à Tyr et aux villes voisines.

33 L’ayant appris de bonne source, Onias, retiré dans le lieu d’asile à Daphné, près d’Antioche, lui en faisait reproche.

34 Dès lors, Ménélas, prenant à part Andronicos, l’incitait à supprimer Onias. Andronicos se rendit alors auprès d’Onias : confiant dans sa propre ruse, il lui tendit la main droite en s’engageant sous serment, et malgré le soupçon qu’il inspirait, il le décida à sortir de son asile. Alors, aussitôt, il le mit à mort, au mépris de toute justice.

35 Pour cette raison, non seulement les Juifs, mais aussi beaucoup de gens parmi les autres nations furent indignés et choqués du meurtre injuste de cet homme.

36 Lorsque le roi fut revenu des régions de Cilicie à Antioche, les Juifs de la ville, en compagnie des Grecs qui partageaient leur haine du mal, vinrent le trouver au sujet du meurtre injustifié d’Onias.

37 Antiocos, affligé jusqu’au fond de l’âme et saisi de pitié, versa des larmes au souvenir de la sagesse et de la conduite exemplaire du défunt.

38 Puis, enflammé de colère, il dépouilla aussitôt Andronicos de la pourpre, lui déchira les vêtements et le fit mener, à travers toute la ville, à l’endroit même où il avait porté une main sacrilège sur Onias. Là, il exécuta le meurtrier. Le Seigneur lui infligea ainsi le châtiment qu’il méritait.

39 Or, à Jérusalem, un grand nombre de vols sacrilèges avaient été commis par Lysimaque, avec l’accord de Ménélas, et le bruit s’en était répandu au-dehors. Le peuple s’attroupa contre Lysimaque, alors que beaucoup d’objets d’or avaient déjà été emportés de tous côtés.

40 Comme la foule se soulevait, débordante de colère, Lysimaque arma près de trois mille hommes et donna le signal d’injustes violences, sous le commandement d’un certain Auranos, un homme avancé en âge et non moins en folie.

41 Prenant conscience de la manœuvre de Lysimaque, les uns s’armaient de pierres, d’autres de gourdins, certains ramassaient à poignées la poussière du sol et assaillaient les gens de Lysimaque en une mêlée confuse.

42 C’est ainsi qu’ils en blessèrent un grand nombre, en tuèrent même quelques-uns, et mirent tous les autres en fuite. Quant au voleur sacrilège lui-même, ils le supprimèrent près de la salle du trésor.

43 Un procès fut intenté à Ménélas à propos de ces faits.

44 Lorsque le roi vint à Tyr, les trois hommes envoyés par le Conseil des anciens plaidèrent leur cause en sa présence.

45 Se voyant déjà perdu, Ménélas promit des sommes importantes à Ptolémée, fils de Dorymène, pour emporter la conviction du roi.

46 Ptolémée entraîna donc le roi à l’écart, sous un péristyle, comme pour prendre le frais, et le fit changer d’avis,

47 si bien que Ménélas, le responsable de tout ce mal, fut renvoyé libre des accusations portées contre lui. En revanche, le roi condamna à mort les malheureux accusateurs de Ménélas qui, même s’ils avaient plaidé devant des barbares, auraient été renvoyés innocents.

48 Eux, qui avaient pris la défense de la ville, du peuple et des objets sacrés, subirent sans tarder cette peine injuste.

49 Aussi vit-on même des habitants de Tyr, horrifiés par un tel méfait, pourvoir magnifiquement à leur sépulture.

50 Quant à Ménélas, il se maintint au pouvoir, grâce à la cupidité des puissants. Sa méchanceté ne fit que croître, et il devint le principal adversaire de ses concitoyens.