Livre de Job

01 Vois, la témérité est illusoire : rien qu’à son aspect, n’est-on pas terrassé ?

02 N’est-il pas cruel dès qu’on le réveille ? Qui donc oserait me tenir tête, à moi ?

03 Qui m’a donné d’avance, que je doive le payer de retour ? Tout ce qui est sous les cieux est à moi.

04 Je ne passerai pas ses membres sous silence, ni le détail de ses prouesses, ni l’élégance de ses proportions.

05 Qui a jamais soulevé le devant de sa cuirasse ? Qui pénétrera dans sa double denture ?

06 Qui a jamais ouvert les battants de sa gueule ? Autour de ses dents, c’est l’effroi !

07 Son dos : des rangées de boucliers étroitement rivés par un sceau,

08 si rapprochés l’un de l’autre que l’air ne passe pas entre eux.

09 Ils adhèrent l’un à l’autre, pris ensemble, sans fissure.

10 Ses éternuements font jaillir la lumière ; ses yeux sont les paupières de l’aurore.

11 De sa gueule partent des éclairs, des étincelles de feu s’en échappent.

12 De ses naseaux sort une fumée, comme d’une marmite chauffée et bouillante.

13 Son haleine embrase les braises, et de sa gueule sort une flamme.

14 En son cou réside la force, devant lui bondit l’épouvante.

15 Les fanons de sa chair tiennent ferme, durs sur lui et compacts.

16 Son cœur est dur comme pierre, dur comme la meule de dessous.

17 Quand il se dresse, les vaillants prennent peur et se dérobent par crainte des coups.

18 L’épée l’atteint sans pouvoir s’enfoncer, pas plus que lance, trait ou javeline.

19 Il regarde le fer comme paille, le bronze, comme bois vermoulu.

20 Le tir de l’arc ne le fait pas fuir ; pour lui, les pierres de fronde se changent en fétu de paille.

21 La massue lui semble un fétu, il se rit du sifflement du javelot.

22 Son ventre est garni de tessons pointus, herse qu’il traîne sur la vase.

23 Il fait bouillonner le gouffre comme un chaudron, transforme la mer en brûle-parfums.

24 Il laisse derrière lui un sillage de lumière ; on dirait que l’abîme a pris des cheveux blancs.

25 Sur terre il n’a pas son pareil, lui qui fut créé intrépide.

26 Tout ce qui est altier, il le toise, lui, le roi de tous les fauves. »