Livre de Job

01 Puisque les occasions favorables ne sont pas cachées au Puissant, pourquoi ses fidèles ne le voient-ils pas intervenir ?

02 Les méchants repoussent les bornes, ils conduisent au pâturage des troupeaux volés,

03 ils emmènent l’âne des orphelins, ils prennent en gage le bœuf de la veuve,

04 ils écartent du chemin les nécessiteux. Les malheureux du pays doivent se terrer ensemble.

05 Tels les ânes sauvages du désert, ils sortent pour leur ouvrage en quête de nourriture ; le pain pour leurs petits, c’est la steppe.

06 Dans les champs, ils coupent du fourrage, et ils grappillent la vigne du méchant.

07 La nuit, ils la passent nus, faute de vêtements, sans couverture dans le froid.

08 Trempés par la pluie des montagnes, privés d’abri, ils se blottissent contre le rocher.

09 On arrache l’orphelin du sein de sa mère et on réclame des gages au pauvre.

10 Ils s’en vont nus, faute de vêtements ; affamés, ils doivent porter des gerbes ;

11 dans les enclos des autres, ils extraient de l’huile ; ils foulent aux pressoirs, alors qu’ils sont assoiffés.

12 Dans la ville, les gens se lamentent ; les blessés, dans un souffle, appellent à l’aide ; mais Dieu ne prête pas attention à la prière !

13 Quant aux méchants, ils se rebellent contre la lumière, ils n’en reconnaissent pas les chemins et n’en fréquentent pas les sentiers.

14 Le meurtrier se lève au point du jour, il assassine le pauvre et l’indigent, et, la nuit, il se fait voleur.

15 L’œil de l’adultère guette le crépuscule ; « Personne ne me verra », dit-il, et il se met un masque sur le visage.

16 Un autre, dans l’obscurité, force les maisons. Le jour, ils se tiennent claquemurés, ils ne connaissent pas la lumière.

17 Car pour eux tous, l’ombre de mort est clair matin, accoutumés qu’ils sont aux terreurs de cette ombre.

18 Ils sont emportés à la surface des eaux, leur part est maudite dans le pays, ils ne prennent plus le chemin des vignes.

19 Comme la chaleur et l’aridité absorbent l’eau des neiges, le séjour des morts engloutit les pécheurs.

20 Le sein maternel les oublie, la vermine fait d’eux ses délices, personne ne garde leur souvenir. La perfidie est brisée comme un arbre.

21 Ils maltraitent la femme stérile, parce qu’elle ne donne pas d’enfant ; ils ne veillent pas au bien-être de la veuve.

22 Dieu, par sa force, fait durer les puissants, mais quand il se dresse pour juger, l’homme n’est plus sûr de vivre.

23 S’il leur accorde la confiance pour appui, il garde pourtant les yeux sur leur conduite :

24 élevés pour un temps, ils ne sont plus ; rabaissés, ils sont moissonnés comme tous les hommes et se fanent comme la tête d’un épi.

25 N’en est-il pas ainsi ? Qui me démentira ? Qui réduira mes paroles à néant ? »